Tuesday, August 19, 2008

Le futur selon Robin Aubert


Voici un extrait de la réaction du cinéaste Robin Aubert (Saint-Martyrs-des-Damnés) à la suite des nombreuses coupures dans les programmes d'art par le gouvernement conservateur canadien. L'extrait est tiré du site voir.ca


"Bientôt, il sera question d’un film où le héros rêve de mourir dans un champ de « totons ». Il y en aura partout. Des milliers et des milliers de « totons » partout. Et du monde qui fument cigarette par-dessus cigarette, pis du rhum, ben du rhum, des scotchs pis des «gars chauds», ben des « gars chauds ». Il y aura une scène où le même héros veut se faire servir en français mais le caissier ne veut pas et le héro lui répondra : « Tu me parles en français sinon je t’arrache la pomme d’Adam pis je la mange devant tes yeux ». Et, à contrecœur, le caissier lui sert en français parce que finalement on apprend qu’il le comprend. Il y aura un couple qui fait l’amour. Torride. De la sueur. Les mamelons au vif. Le dos arqué comme un voilier dans une tempête. Des cris ! Oui, oui, des cris comme dans la vie. Pas comme dans les films là, non, comme dans la vie. Des cris de jouissance. Fort, jusqu’à faire « petter » les fenêtres de la cuisine (parce qu’ils le font sur la table à manger). Et le film s’intitulera VAGIN, parce qu’on en montre dans le film avec une lentille macro. Le mot VAGIN en grosse lettres sur un poster bleu et blanc. Partout dans la ville de Montréal. Mais pas à Toronto ni à Ottawa. Non, là-bas, ça sera VAGINA. Encore plus gros. En rouge et blanc ce coup-là. Avec un dessin de sexe, comme dans les films d’Arcand.

Pis là, bien, pour aller se faire financer, tu iras voir Téléfilm Canada. Les membres du jury auront chaud, très chaud, leurs mains s’agrippant aux barreaux de chaise comme dans un manège de kermesse. La chienne que le « bonhomme Harper » vienne les hanter, la nuit. Et ils te diront « c’est beau, c’est donc bien beau tout ça, c’est vrai, c’est personnel ». Et l’on répondra : « ben oui, ça vient du cœur ». Alors, on attendra la réponse avec impatience et la réponse sera « non » comme d’habitude. Raison ? Pas assez commercial. Ils rajouteront : « Si tu veux faire des films comme Jodorowski, Kaurismäki, Kiarostami ou tout ce qui finit en « I », « ICK » ou bien « OS », va voir le Conseil des Arts ! ». Et pendant ce temps, Tarkovski se retournera dans sa tombe, croyant qu’il est encore possible de faire des films sous un autre régime. Et le Conseil des Arts acceptera ton projet parce que c’est audacieux et qu’en tant que créateur, tu explores l’image, comme à l’époque de Méliès, avant que les Américains prennent le contrôle de « l’histoire » entière. Mais, oh malheur, tu garderas le même titre et une zélée, quelque part derrière son bureau (une éberluée qui croit vivre dans une toile de Bosch), décidera de fermer la shop. Pas le film. La shop au grand complet. Comment peut-on financer un film qui s’intitule VAGINA ? Et le Conseil des Arts verra la mort, mais ce sera pendant les Olympiques de Vancouver. On le passera sous silence. Tout comme les deux autres soldats mort au combat cette semaine; ceux du petit encadré de la page 7 d’un journal populaire. Et un passant dira aux autres: « On est en guerre, le saviez-vous ? » Mais les autres ne le regarderont même pas."



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